Deux hivers

(29 avril)

Chère Madame E. Déheff,

Je viens de recevoir ta facture. Je l'appréhendais un peu. Souviens-toi: quand je me suis rendue compte, au mois d'avril dernier, que K. n'avait pas souscrit véritablement d'abonnement à tes services, tu m'avais dit, au téléphone, que ce n'était pas grave, nous rattraperions notre retard à la prochaine facture. En attendant, tu nous ferais payer des mensualités calculées, si je me souviens bien, sur la consommation annuelle du foyer qui avait précédemment occupé notre logement. Or la facture, elle, devait tenir compte de la consommation d'un an et demi, puisque K. était arrivé en novembre. Et dans cette année et demie, il y aurait deux hivers...
Quand j'ai ouvert ta lettre, je n'ai pas compris tout de suite. J'ai dû la relire. Parce que notre consommation dépasse à peine tes estimations. En somme, nous avons consommé, en un an et demi, 115% de ce que tu estimais devoir être notre consommation annuelle. Autant dire que tu t'es encore trompée. Sans t'en rendre compte, puisque, au final, nous te devons quand même des sous. Mais réfléchis un peu: tu vas estimer notre consommation de l'an prochain sur la base de ce que tu as cru relever cette année. Et nous réclamer, donc, de payer pour l'équivalent de ce que nous avons consommé en 18 mois. Si bien que, en avril prochain, c'est toi qui nous devras des sous. A moins d'augmenter de manière exorbitante tes tarifs.
Continue à te tromper dans ce sens-là, je vais avoir l'impression que mon pouvoir d'achat augmente.

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Une heure et demie dans la salle d'attente des urgences avec le P'tit Mousse

(27 avril)

K. et moi, au cours de nos pérégrinations à travers la France, avons eu l'occasion de tester, pour nous ou notre aîné, bien des services hospitaliers. Dans le Nord, nous avions visité les urgences, la chirurgie traumatique (puis orthopédique), la maternité, et deux services de pneumologie différents. Sans parler d'une clinique, en ambulatoire, pour les végétations du Pirate. Dans le Sud, nous avions testé les urgences, la maternité, et la pneumologie en ambulatoire. Ici, en dehors de la maternité et d'une rapide visite en consultation externe ORL, nous n'avions rien vu.
Une méchante chute de K. sur le coude, en plein week-end pascal, nous a fourni l'occasion de réparer cette lacune. Nous nous sommes rendus aux urgences de l'hôpital préfectoral, afin, au moins, de passer une radio. Les deux grands sont restés à la garde de mes beaux-parents, mais le P'tit Mousse a découvert avec ravissement la salle d'attente.
En réalité, K. a été pris en charge dans le quart d'heure qui a suivi notre arrivée; mais comme il est resté une bonne heure dans le service, nous avons dû l'attendre. Ce qui m'a permis de vérifier qu'il y avait bien un classement prioritaire des urgences: les bébés d'abord, les bobos en dernier. Il y avait là une dame, arrivée avant nous, qui est sortie deux fois pour fumer et s'est plainte une fois au téléphone d'attendre depuis deux heures, en regardant son petit doigt un peu rouge; elle avait des étiquettes dans son sac, c'est donc bien elle qui attendait des soins. Mais un prurit du petit doigt, ce n'est certainement pas aussi grave qu'une suspicion de fracture. Il y a vraiment des gens qui ont du temps à perdre.
Pendant tout ce temps, le P'tit Mousse a promené ses chaussettes dans la salle d'attente, debout ou à quatre pattes. Debout, il faisait admirer ses genoux et ses mollets en remontant le plus haut possible son pantalon, des fois que la mer monte. Il a aussi fait une chute bien sonore, mais n'a pas émis le moindre pleur. En public, on est un dur. Il faut dire qu'il y avait là une grande fille en collant jaune (otite? elle se tenait l'oreille) qui lui souriait, et que tout le monde le trouvait charmant. Moi-même, j'étais fort heureuse qu'il ne s'impatiente pas malgré la suppression du goûter et l'absence de jouet. Je fus aussi soulagée de voir K. ressortir, le bras en écharpe, au moment où notre petit dernier commençait tout de même à montrer des signes de fatigue.
Au bout du compte, et compte tenu, justement, de l'arrivée de trois ambulances et des pompiers pendant notre séjour, l'attente nous a paru fort raisonnable, et le service correctement organisé, surtout pour un long week-end. Mais nous ne sommes pas pressés d'y retourner pour autant!

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Objet trouvé

(25 avril)

Je me suis souvent demandé si les gants, écharpes et autres bonnets accrochés en évidence sur une grille ou posés sur un banc retrouvaient un jour leur propriétaire légitime.
Vendredi dernier, j'ai obtenu un élément de réponse à cette question. En rentrant de chez la nounou, j'ai en effet aperçu, posé sur la barrière d'une maison devant laquelle nous passons tous les jours, le petit coupe-vent rouge du P'tit Mousse. Manteau que j'avais vainement cherché le matin même. Je n'avais aucune idée de l'endroit où il pouvait bien être, et pas l'impression non plus de l'avoir perdu sur le chemin. Ce qui est curieux, c'est que j'étais passée le matin même à côté du coupe-vent sans le voir. Mais peu importe. Ce vêtement a fini par retrouver son propriétaire (lequel est un usurpateur: l'imperméable est marqué au nom du Pirate).
En revanche, deux gants célibataires attendent vainement les leurs à la médiathèque depuis cet hiver...

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Mes biens chers frères

(22 avril)

La très catholique Bretagne n'est plus ce qu'elle était.
Lors de mon dernier cours avec les sixièmes, avant les vacances de Pâques de printemps, je leur ai parlé des traditions pascales outre-Rhin. Et d'abord, de "l'arbre de Pâques", auquel on suspend des oeufs peints. Cet arbre est constitué de Zweige, mot exactement traduit par "rameaux" en français.
"Des quoi, Madame? J'ai jamais entendu ce mot, avant." Encore une qui n'a pas été à la messe dimanche dernier.
Vient ensuite la question du menu de Pâques. Sans m'attarder sur la pratique du brunch, je me connecte sur la toile pour constater que, en dehors du saumon, on mange (aussi) de l'agneau, à Pâques, en Allemagne. "Comme chez nous", ajouté-je. "Ah bon, on mange de l'agneau, à Pâques?"
Passons sur le fait que ces enfants ignoraient, pour la plupart, que Pâques est une fête mobile.
Je me demande bien pourquoi on fera le pont, à l'Ascension...

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Un P'tit Mousse à Paris

(19 avril)

Cette fin de semaine, j'ai emmené le P'tit Mousse en avion pour voir mes parents à Paris. Ce fut toute une aventure!
D'abord, il a fallu faire la queue un peu plus longtemps que prévu pour l'enregistrement, à cause d'une défaillance du système informatique. C'est là que tu es contente d'avoir un porte-bébé...
Ensuite, il a fallu passer le contrôle de sécurité. Et là, tu es moins contente d'avoir un porte-bébé, mais ravie d'avoir un modèle précoce de la bipédie. En effet, pour ôter ta veste, il faut poser l'enfant par terre; donc enlever le porte-bébé (modèle hamac) et espérer que le bébé en question ne se sauvera pas trop loin et te suivra dans la bonne direction. Ce qu'il fit, non sans faire sonner le portique (la faute, sans doute, aux boutons métalliques de sa salopette).
Mon apprenti terroriste et moi-même sommes arrivés dans la salle d'embarquement juste après l'annonce appelant les passagers ayant besoin d'assistance, ce qui nous a valu une queue supplémentaire.
Il a été fort sage dans l'avion, juste un peu bavard: en sortant, une dame lui a dit "dato". Apparemment, ses oreilles ne l'ont pas fait souffrir, et il a juste été surpris par le bruit de roulement à l'atterrissage.
Ensuite, le P'tit Mousse a eu peur de son grand-père, qu'il n'avait pas vu depuis six mois (à cause de la neige hivernale). Mais il était ravi de trouver un lit à sa taille dans lequel j'ai placé son doudou.
Le lendemain a été le jour de la découverte du RER et du métro, et de cette petite vieille dans une drôle de poussette. Cette grand-mère, elle est vraiment bizarre, avec ses tuyaux dans le nez. Et puis, dans le RER du retour, il y avait des gens de toutes les couleurs.
Heureusement que, le soir, on a mangé chez des gens normaux et qui avaient des chats fort sympathiques. Le P'tit Mousse s'est très bien conduit, et, malgré un puissant désir de se servir lui-même de "dato" apéritifs (à sa portée sur une table de salon, ainsi qu'une télécommande, un mini jardin japonais avec des top cailloux et un téléphone portable), il n'a fait absolument aucune bêtise. Il était bien trop occupé à jouer avec les chats.
Le retour a été quelque peu chaotique, avec des queues monstrueuses à l'aéroport (ah ben oui, c'est ça les compagnies low cost). Si mon bébé m'a permis d'emprunter une file plus rapide pour l'enregistrement (avec des filles très étranges pour lui: elles parlaient une langue incompréhensible - l'espagnol - et semblaient cependant s'entendre parfaitement), il a fallu patienter pour le contrôle de sécurité (et encore, en maman bien organisée et au courant des pratiques aériennes, j'avais mis les "liquides" - crème à fesse et petit pot - dans un sac transparent que je portais à côté de mon bagage cabine).
En revanche, cette fois-ci, nous avons pu griller tout le monde à l'embarquement. Moi, ça m'amuse de passer devant tous ces gens qui poireautent depuis un quart d'heure pour être les premiers à entrer dans l'avion. Rien ne sert de courir, il faut partir à point.
Il n'est pas étonnant qu'après toutes ces découvertes, le P'tit Mousse ait beaucoup dormi, hier, chez sa nounou.

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Chaussures

(13 avril 2011)

Il me semble avoir déjà raconté quelque part que j'adorais marcher pieds nus, et que mes enfants traînaient beaucoup en chaussettes. Et je crois bien que les deux grands n'ont plus chausson à leur pied.
Il est bien évident que le P'tit Mousse a appris à marcher en chaussettes, ou en chaussons souples. Son bien être et le prix prohibitif d'une paire de chaussures correctes pour apprenti marcheur justifiaient bien la chose. Néanmoins, comme je prévoyais la réaction chaussante de la nounou, j'avais acheté à mon petit dernier, il y a deux semaines, une paire de bottines. Il avait l'air, avec ses souliers, d'un scaphandrier muni de semelles de plomb. Car sous prétexte de "maintenir" le pied, les chaussures les enferment, en freinent certains mouvements et empêchent, par exemple, le bon déroulement de la voûte plantaire. Tous les kinés et podologues le savent: rien ne vaut un pied libre pour trouver son équilibre. La chaussure n'est qu'une invention marchande des Occidentaux du milieu du XXème siècle: la moitié de la population mondiale apprend encore à marcher nus pieds et ne s'en porte pas plus mal. Les chaussures du P'tit Mousse n'ont donc été portées que quelques heures, lorsqu'il allait jouer dans l'herbe avec ses frères.
Cependant, lundi, il a fini par faire une démonstration de bipédie à sa nounou (qui, jusque là, était forcée de croire les mamans de ses petits protégés sur parole: chez elle, ni le P'tit Mousse ni son copain ne risquaient le moindre pas). Laquelle a donc entonné le refrain du "maintenant qu'il marche, il va lui falloir des chaussures rigides". J'ai bien essayé de lui dire que les souliers le gênent, mais elle reste vieille école et consommation (le copain en est à sa deuxième paire) et comme je ne suis pas spécialement d'humeur à discuter, ces temps-ci, et que nous avions des chaussures de toute façon, le pauvre enfant les a mises dès le lendemain. Si bien que, quand la nounou le met debout, mon P'tit Mousse reste planté là; sauf quand j'arrive: il veut bien alors esquisser les quelques pas qui lui permettent de me rejoindre (à la maison, il est capable de marcher aussi avec ses chaussures, même s'il préfère les avoir... à la main).
Il ira donc chaussé chez sa nounou. Et restera en chaussons souples (ou en chaussettes, voire pieds nus) chez nous, histoire de continuer à muscler naturellement ses petits petons.

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...

(8 avril)

Depuis la fin de mon adolescence, je ne cessais de dire à ma mère qu'elle fumait trop, que cette toux n'était pas normale, et qu'elle devait arrêter de fumer.
En fait, mes soeurs et moi avons été assez rudes avec elle, sur ce plan-là.
Entre-temps, j'ai appris qu'il existe une bronchite chronique du fumeur.

Cela fait longtemps que je suis persuadée que ma maman va mourir avant mon papa, à cause de cette faiblesse.
L'AIT (un genre de mini AVC) paternel, il y a presque deux ans, m'a rappelé que mon père aussi est mortel.

Et puis, nous y voilà.


Le médecin a annoncé que ma maman n'a plus que quelques semaines à vivre.
Ca fait combien, "quelques"?

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Javanais (occidental)

(6 avril)

Bouta-bouta.
Da-tooo?
Dabouta.
Maman.
Dato!
Maman? Mamon.
Abon.
Da. Ta-to.
Maman.
Ba!
Ma-mon. Mamon.
Taboula.
Pouta.
Datô.
Pabo.
Maman!
Mapouto.

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6 minutes 56

Ou comment, alors que j'étais juste partie chercher mon passeport, je me suis retrouvée allongée avec une aiguille dans le bras.

(4 avril)

Si mon passeport a été prêt en trois jours, il m'en a fallu huit de plus pour trouver un moment afin d'aller le chercher. Et donc, j'entre à la mairie, je pose mes doigts sur le lecteur d'empreintes digitales, qui dit ok pour la main gauche. Mais les empreintes de la main droite, il ne les a reconnues qu'au bout de quatre essais. Comme quoi, cette biométrie, c'est un peu n'importe quoi.
Bref.
En sortant des bureaux de l'état civil, j'avise l'EFS, qui racolait à grand bruit sur la place publique. Et je me dis "tiens, ça fait une éternité que je n'ai pas donné, je ne suis pas malade ni enceinte, allons-y". J'entre donc, par une autre porte, dans la mairie. Explique à la dame qui m'accueille que j'ai juste vu de la lumière le camion, et je suis entrée. Non, j'ai déjà donné, il y a longtemps (en y réfléchissant bien, ça doit faire 5 ans), dans le Nord. Questionnaire, passage devant le médecin. Qui vérifie ma tension et mon absence d'anémie. Et prescrit un test pour le palud, vu mes séjours en Oman (oui, elle savait vaguement où c'était, et qu'il y a éventuellement du paludisme). Je lui fait remarquer que j'ai donné depuis, mais peu importe.
Me voilà devant les infirmières. Le premier bras tendu semble peu propice à une piqûre, il faut changer de lit pour trouver une bonne veine. Et 6 minutes 56 plus tard, le quota étant atteint, la machine sonne (oui, ils chronomètrent les dons, pour vérifier que le sang ne coule pas à flots). Un petit tour au buffet, un vrai de vrai buffet avec salades et kouign amann en dessert, histoire de reprendre des forces.
J'ai, du coup, à peine le temps de faire les courses prévues. Il faut aller chercher les enfants à l'école. En rentrant, nous nous arrêtons au parc, parce qu'il y a là un camarade de classe de Numérobis. "Pourquoi tu as un pansement sur le doigt?" "Parce que j'ai été donner mon sang." "Et pourquoi tu donnes ton sang?" Je commence une réponse, "parce que, tu vois, des fois, il y a des gens qui sont malades..." Il n'écoute pas la suite, il est déjà parti jouer.
A quelques mètres de là, son papa, qui est traité pour une leucémie.

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