Mon école est malade
(27 janvier 2012)Oui, l'école, en France, est malade. Elle n'a pas assez de moyens pour se soigner.
L'école laïque et obligatoire devrait, théoriquement, apporter à tous les mêmes chances de réussite. Sauf que le jeu est faussé dès le départ. Il est évident que le P'tit Mousse, qui sait déjà ce que c'est qu'un livre et qui distingue les dessins des signes faisant du sens, est déjà un privilégié par rapport à certains de ceux qui seront ses camarades de classe. Et pourtant, nous habitons dans un bourg plutôt chic.
Alors, oui, supprimer l'école pour les enfants de deux ans est un crime contre la culture et l'éducation de ces mêmes enfants (bien que je n'aie pas l'intention de scolariser mon petit dernier dès la rentrée prochaine, je reconnais que cela puisse être un bien pour certaines familles). Supprimer la maternelle, ou y imposer des classes de 28 ou 30 élèves aussi. Parce que les petits ont besoins d'être encadrés par un personnel compétent, disponible et attentif aux besoins de chacun. Les institutrices, plutôt que d'être ravies d'avoir de temps à autre un bon élément, devraient pouvoir se féliciter d'avoir fait progresser tel ou tel enfant a priori défavorisé (ce qu'elles n'ont malheureusement pas souvent le temps de faire).
Au primaire, les différences sont déjà notables. K., qui est passé l'autre jour dans la classe du Pirate parler de son métier "qui est archéologue", a été effaré par certaines questions. La maîtresse avait aussi semble-t-il un peu honte de quelques petites élèves qui ne comprennent rien à rien et ont demandé quatre fois la même chose. Bien sûr, le Pirate a semblé au-dessus du lot. Mais j'ai rappelé à K. que c'était de la triche, notre fils étant évidemment, par le milieu familial, sensibilisé aux questions historiques. Quand je pense que certains de mes élèves de quatrième se demandent qui, de Charlemagne ou de Napoléon, est le plus ancien (oui, il y aurait un florilège spécial quatrièmes à faire). Entre les séries Il était une fois... regardées sur internet ou sur DVD et les livres de La Vie privée des hommes, le Pirate a acquis une culture historique supérieure à celle des enfants de son âge. Et puis, c'est un enfant intelligent qui ne passe pas son temps devant un écran. L'autre jour, nous l'avons même envoyé lire parce qu'il nous avait justement semblé qu'il avait un peu trop joué à la Ouii.
Evidemment, les disparités ne s'arrangent pas au collège. Prétendre diffuser le même savoir à tous, alors que le niveau atteint en sixième est si différent d'un enfant à l'autre, est une aberration. Certes, il faut bien une sixième unique pour gommer les disparités dues à la provenance d'écoles différentes. Mais il y a des capacités de réflexion, une vitesse de raisonnement que certains ne pourront jamais atteindre. Quand je vois que certains de mes élèves retiennent des détails sur lesquels je n'avais pas insisté ou prennent en note des choses qu'ils ne veulent pas oublier, alors que d'autres écoutent à peine et ne retiennent pas les points essentiels répétés plusieurs fois, je me dis que je perds mon temps. Le temps est perdu pour les meilleurs, qui pourraient avancer plus vite. Et perdu pour les moins bons, qui n'y arriveront sans doute jamais. Pourquoi imposer, en quatrième, une deuxième langue à des élèves qui ont déjà bien du mal avec le français ou les maths? Cela finit par les mettre en situation d'échec partout...
Pour ne pas être totalement pessimiste, et apporter un contre-exemple à ces généralités, je voudrais quand même parler d'une de mes élèves de troisième. L'an dernier, j'avais du mal à la supporter. Elle a déjà une année de retard, vient d'un milieu peu intellectualisé et ne travaillait pas beaucoup. Et puis, cette année, il y a l'enjeu du brevet et celui de l'orientation. Alors elle s'y est mise. Personne, sans doute, n'aurait parié sur elle à la fin de sa cinquième. Seulement, elle a décidé que c'était possible, et que le jeu en valait la chandelle. Et effectivement, ses résultats remontent, elle devient, sinon une bonne élève, du moins une élève moyenne capable d'avoir de très bonnes notes dans certaines matières (dont la mienne, parfois). L'école n'aura pas tout gâché pour elle.
Libellés : école, humeur, service public
2 Commentaires:
Hélas, rien de nouveau sous le soleil (pensons à ce qu'écrivait déjà Bourdieu dans "La Reproduction").
C'est vrai que la scolarisation précoce peut être une vraie chance, et qu'il est dommage de la voir menacée.
de la maternelle au lycée, on est laminés de toute part par ces réformes - vite vite supprimons tout ce qu'on peut avant les élections !-
et ce sont évidemment les élèves qui en patissent !
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