Déformation professionnelle

(26 novembre)

La maîtresse de l'année prochaine a intérêt à assurer. Parce que le Pirate s'invente déjà des devoirs. L'autre jour, il me demande une feuille pour dessiner, et revient cinq minutes plus tard me montrer son chef-d'oeuvre: "Regarde, Maman, j'ai fait ma numération." Il avait écrit les nombres de 1 à 10, avec le 10 d'une couleur différente. Je lui ai dit: "C'est bien, mais je crois que tu as fait ton 4 à l'envers." "je crois"! Un peu, mon neveu, qu'il était en miroir, son 4! Seulement voilà, je suis tellement habituée à positiver pour ne pas démoraliser les élèves que je fais pareil avec mon fils.
Il y a dix ans, je ne réagissais pas comme ça. Les copies étaient barrées de rouge, les fautes soulignées rageusement. Et puis je me suis rendue compte que ça ne servait à rien. Alors je fais des petites vagues, sous les phrases mal construites, sans commentaire, ou je mets un trait en marge, "peu clair" (alors que je n'ai pour ainsi dire rien compris). Les élèves ne s'en portent pas plus mal, ils doivent se dire, comme le Pirate "c'est pas grave", et effectivement, au vu de la manière dont ils seront notés au bac, ça ne l'ai pas vraiment.
L'autre jour, j'avais demandé de résumer un texte en cinq phrases. Le cancre de service avait essayé de le faire, mais n'avait produit que deux malheureuses phrases à ses yeux minables. Alors, pour le récompenser de son effort, afin qu'il persévère, je lui ai dit que certes, il n'avait écrit que deux phrases, mais que, au fond, elles reflétaient l'essentiel du texte, et que je les comprenais. Leur construction était de fait relativement correcte, il n'a fallu que deux ou trois modifications de déclinaison pour améliorer nettement l'ensemble.
Une partie de mon travail consiste à leur faire prendre confiance en leurs capacités. Souligner les fautes ne servirait qu'à les frustrer.

Libellés : ,