Et les langues?
(10 décembre)Aujourd'hui, on parle de la réforme des lycées. Avec, en ligne de mire, la suppression de l'histoire-géo en TS et les Sciences Economiques et Sociales. En ce qui concerne l'histoire-géo, je me demande dans quelle mesure la manoeuvre ne vise pas à convaincre les bons élèves littéraires d'aller en L, nom d'une pipe, au lieu de se fatiguer à faire des maths. D'autant que l'option maths réapparaît avec un vrai contenu (celui de TES) en TL.
Bref. Je ne suis pas prof d'histoire-géo, mais je sais que j'ai des élèves de TS que cette matière intéresse, et qui veulent pourtant être ingénieurs ou médecins.
Donc je parlerai plutôt de ce qui me concerne moi, et dont personne ne parle: les langues. Il paraît que le ministre voulait revaloriser les langues en section littéraire. C'est sûrement pour ça que l'horaire de langues en L diminue, pour être réduit à 4h30 globalisées pour deux langues, comme dans toutes les autres sections. Et un élève qui prendrait l'option maths, ou du latin (il n'est même plus question du grec?) ne ferait pas plus de langues vivantes. Pardon, le "langues de communication". C'est dit comme ça, et ça me révulse. S'il s'agit seulement de communiquer, il y a, excusez-moi, des langues qui n'ont plus leur place dans l'Education Nationale: j'arrive à peu près à me débrouiller quand je vais en Italie, sans jamais avoir étudié la langue. Exit aussi l'espagnol avec ses subjonctifs qu'on n'apprendra plus.
Certes, il est prévu une option de renforcement d'une langue vivante, 3h par semaine. J'espère qu'on aura le droit d'y faire un peu autre chose que de la communication. Parce qu'il ne faut pas croire, mais même mes élèves de S posent parfois des questions de grammaire assez pointues. Ils ne veulent pas juste commnuniquer, ils veulent comprendre le fonctionnement de la langue pour l'utiliser correctement. Je me souviens aussi de l'exclamation d'un élève, visiblement ravi, quand nous avons amorcé l'étude d'un texte de Zweig, l'an dernier: "Ah, ben lui au moins, il est connu!". Le nivellement par le bas est une imbécilité, cessons de prendre les élèves pour des crétins qui cherchent la facilité.
Mais il paraît que l'association des professeurs de langues vivantes est satisfaite, la réforme va dans le sens de ses demandes. Ah? Peut-être à cause de la généralisation des "groupes de compétences". C'est certes une bonne chose, mais il faut la pousser jusqu'au bout: amener ceux qui le peuvent aussi loin que possible, et supprimer les épreuves du bac telles qu'elles sont pour proposer aux élèves, quelle que soit leur section, un examen correspondant à leur niveau en langue, et dans les 5 compétences: bon, alors, toi, tu es peut-être en L, mais n'espère pas dépasser le A2 en anglais, ta compréhension de l'écrit est vraiment trop limitée, et toi, l'élève de S, tu dois pouvoir décrocher un B2 si tu fait un effort en expression orale en continu.
Et puis il y a, en L toujours, cette fameuse nouvelle matière: littérature étrangère. Puisqu'on ne l'étudie plus en cours de langue... C'est une "DNL", discipline non linguistique, qui sera donc, normalement, enseignée par un professeur d'une autre matière (a priori quand même un collègue de lettres modernes!) en langue étrangère. C'est à dire très certainement en anglais, puisqu'il n'y a souvent qu'une classe de L par lycée, et qu'il paraît peu rentable de faire de petits groupes. Sans parler de la difficulté pour trouver, au moins au départ, suffisamment de professeur habilités à enseigner en étranger. La cohérence voudrait que le programme se concentre alors sur la littérature anglo-saxonne. Dommage pour Goethe, Dante et Cervantès.
Bien sûr, il n'y a encore aucun programme ni aucun modèle d'épreuve de bac disponible. Et comme à la veille de chaque grande réforme, je vais être en congé au moment crucial...
Libellés : école, langage, service public
Rédigé par Bismarck @ 9:30 AM
8 Commentaires:
j'aurai la même chose à dire sur les matières technologiques, dont personne ne parle et qui vont disparaitre corps et ame grace à cette réforme.... alors que ce sont des filières qui permettent à des milliers d'élèves ni matheux ni littéraires de réussir chaque année...
Mea culpa. J'ai encore commis la faute du snobisme élitiste.
Bien sûr, le lycée, ce ne sont pas que les voies "royales" ES, L et S! Heureusement qu'il y a aussi des matières et des filières technologiques, dont on devrait redorer le blason, parce que oui, bien sûr, tout le monde n'est pas fait pour étudier la philo ou la physique. Et même, une orientation plus précoce vers ces voies qui offrent de réels débouchés permettrait peut-être de dégoûter moins d'élèves du système.
Ah, je vous trouve dur les filles. C'est très bien de pousser tout le monde à devenir un matheux inculte et incapable de rien faire de ses dix doigts...
Ça fait des adultes formatés à faire exactement ce qu'on leur dit faire, au lieu de tas d'anarchistes dangereux et d'ouvriers revendicateurs.
Si ce bon Jules voyait ce qu'on fait de son école de la République, il serait effrayé je pense.
Ah oui, c'est vrai que la suppression des options et de l'HG en terminale S se fait pour ne pas allourdir l'emploi du temps de ces chers petits (oui, Monsieur le Ministre, j'ai lu ta lettre-flash); il faut leur laisser du "temps de cerveau disponible", comme disait l'autre...
Dis donc c'est sacrément compliqué de commenter chez toi... Paraît que j'avais un compte google alors que j'en ai jamais créé à mon souvenir (ai juste répondu à une invitation sans créer de compte...) .Attation ça risque d'être long.
Suis nouvelle, alors je contextualise. Je suis étudiante scientifique, dans une école européenne et une ville européenne. Je parle anglais, un honnête allemand et un bon brin d'italien, et je compte apprendre plus tard d'autres langues, je suis une passionnée.
S donc, forcément, vu ce que je voulais faire. S, donc abandonner l'italien car l'oral de LV3 me paraissait hasardeux face à un oral de latin plus aisé et mieux coefficienté, même si je n'ai guère trouvé d'utilité à traduire et commenter des textes pour apprendre par coeur le tout pendant les exams. Bah je regrette. Je ne dévalorise pas le latin, mais pour ce genre de pratiques, ben j'aurais pu stopper en seconde.
La prétention des ministérieux à vouloir faire des bilingues au Bac me fait bien marrer quand je vois les élèves d'origine étrangère de mon école, maîtrisant tous trois ou quatre langues... Si on continue à tout faire pour éliminer la conversation et l'immersion, ben on fonce dans le mur, stoo.
Quant aux filières technologiques et professionnelles, cet a priori de filière poubelle qui leur colle à la peau me désole. Certains BEP ou STL trouvent plus facilement du boulot qu'un ex-L Master Psycho... Le système bipartite fonctionne bien en Allemagne après tout.
Pour l'HG, même si j'ai eu un prof vraiment nul en TS, je crois que j'avais vraiment besoin des repères qu'on m'a donnés, trop européenne et trop curieuse. Je n'ai jamais fait d'économie (SES) et ça me manque aussi. Je trouve donc vraiment ça bête et même dangereux pour les citoyens français.
Bon, je vais arrêter là et dormir, mais j'aurais encore des choses à dire...
Merci Seer. Je ne pense pas du tout que les ministres veuillent faire des bilingues: ils espèrent que les élèves vont pouvoir se débrouiller pour communiquer (quitte à être nuls en grammaire, c'est là que ça me choque); le problème, c'est qu'avec si peu d'heures par semaine (effet immersion zéro) et aucune annonce de réduction des effectifs (donc peu d'interaction orale valable), je ne vois pas comment ce sera possible.
Tout à fait d'accord, bien sûr, avec le fonctionnement du système allemand (et son orientation précoce!).
Bouh, là je suis à la traîne parce que les questions d'éducation me passionnent !
Donc merci, je vais aller fouiller dans les réformes envisagées.
Je crois qu'un des espoirs du ministre, c'était de faire passer cette réforme en douce...
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