Revisiter le passé. Ou comment j'aurais pu être responsable de la mort de ma mère

 (8 avril)

Quand j'étais petite, Maman a fait une méningite. J'étais en grande section de maternelle (qui ne devait pas s'appeler comme ça à l'époque, mais peu importe), et je suis restée seule avec mon père pendant que ma mère était à l'hôpital. Ma petite soeur, elle, a été gardée par mes grands-parents, pour qui la méningite était une maladie horrible, puisqu'elle avait emportée leur fillette de 4 ans pendant la guerre.

Je n'ai aucun souvenir de cette époque. Tout ce que j'en connais, c'est ce qu'on m'a rapporté.

La semaine dernière, ma soeur, qui avait l'occasion de se faire vacciner contre les oreillons, se demandait si ça en valait bien la peine. Elle ne trouvait rien dans son carnet de santé, et m'a demandé, si, par hasard, je savais.

Comme je n'en savais pas plus qu'elle, j'ai cherché dans mon carnet de santé, et je lui ai envoyé la photo de la page des maladies infantiles, où un médecin de SOS médecins avait noté les oreillons, début mai 1979. Et je précise à ma soeur que ça ne veut rien dire, pour elle, parce que c'est l'époque de la méningite de Maman et qu'elle (ma soeur) était potentiellement à l'abri de la contagion chez nos grands-parents.

Ce à quoi ma soeur répond d'abord que la méningite peut être une complication des oreillons, chez l'adulte. Et je lui dit que le premier médecin qui avait vu notre mère avait effectivement posé un diagnostic d'oreillons. Puis ma soeur m'écrit qu'elle-même a bien eu cette maladie (elle a retrouvé la bonne page de son carnet de santé) fin mai. Le pédiatre les a diagnostiqués la veille de l'hospitalisation de Maman (qui est également mentionnée dans ce carnet de santé, pour la consultation des quatre ans, je suppose).

J'ai demandé à Gogole. Le temps d'incubation des oreillons est de 15 à 21 jours.

C'est donc moi qui ai transmis la maladie à ma petite soeur, mais aussi très vraisemblablement à ma mère, qui a développé cette terrible complication.

Quand j'étais plus jeune, je crois que plus ou moins tout le monde considérait le premier médecin qui avait vu Maman comme un incapable, avec son diagnostic d'oreillons. Or, avec les antécédents familiaux, c'était une conclusion aussi logique qu'évidente. Peut-être qu'il aurait dû pousser son examen un peu plus loin. Peut-être que le second médecin, celui qui a envoyé ma mère aux urgences (mais si mon père l'a accompagnée, qu'a-t-il fait de ses filles pendant ce temps? Je n'en ai aucune idée.), était plus expérimenté, ou qu'au contraire il ne voulait prendre aucun risque. En tout cas, il est certain que quand ma mère est entrée dans le service, quelqu'un a dit que si elle passait la nuit, ce serait bon. Il était hors de question d'essayer de la transférer dans un hôpital plus compétent. On dirait aujourd'hui que son pronostic vital était engagé.

Ma mère s'en est sortie. Elle s'est même bien remise de l'hémiplégie qui l'a certainement frappée. Trois ans plus tard, elle a donné naissance à ma deuxième petite soeur.

Et aujourd'hui, je sais comment elle a attrapé cette méningite.

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9 Commentaires:

At 1:17 PM, Anonymous Gilsoub a bien voulu donner son avis...

Mon frère médecin, nous racontais comment il était devenus le meilleur médecin du monde auprès d'une patiente, alors que les deux autres vues auparavant étaient forcément incompétent (toujours selon elle !). Un jour, elle arrive dans son cabinet, lui raconte ses symptômes, ils l'ausculte et trouve le bons diagnostique ; en rigolant il explique que ses collègues ont fait correctement leurs boulots en faisant un diagnostic évident de première et deuxième intention par rapport aux symptômes. Il à donc éliminé l'évidence, puisque les 2 premiers traitements avaintt été inefficaces et trouvé la bonne solution. Mais il pense que si il avait vu cette patiente en premier, il aurait surement été considéré comme incompétent ;-)

 
At 1:27 PM, Blogger Mme Chapeau a bien voulu donner son avis...

Vous n'auriez été responsable de rien. Maintenant que des vaccins existent, je n'en dirais pas autant les antivax.

 
At 2:36 PM, Anonymous Dr. CaSo a bien voulu donner son avis...

Mon neveux avait laissé une pile de magazines dans l'escalier, et sa mère, ma soeur, a glissé sur les magazines en descendant l'escalier et s'est blessé le dos. Dix ans plus tard (aujourd'hui), les problèmes dûs à cette blessure de dos sont ressortis, mais ma soeur et son mari n'ont jamais dit à leur fils que c'était "de sa faute." C'est lourd pour un enfant de porter une telle responsabilité, et heureusement que tu n'as rien su à l'époque à propos de la connection oreillons-méningite et que personne ne t'a rien dit!

 
At 4:59 PM, Blogger Mme Chapeau a bien voulu donner son avis...

[ j'aurais dû écrire « des antivax », désolée ]

 
At 10:17 PM, Blogger Bleck a bien voulu donner son avis...

Trés compliqué à gérer la culpabilité... quelle soit légitime ou pas, compliqué ! On peut également "s'inventer" des tas de responsabilités directes ou complètement farfelues, et si je lui avais dit ça, et si je n'y étais pas allé, et si c'était l'autre à ma place... et si, et si, et si... la culpabilité est sournoise.
(très beau billet)

Bleck

 
At 10:49 AM, Anonymous Béatrice a bien voulu donner son avis...

Il y a beaucoup de liens entre des maladies dites "bénignes" et d'autres truc plus compliqué ... j'ai lu dernièrement qu'il y aurait un lien entre le virus de la mononucléose et l'apparition de la sclérose en plaque chez certaines personnes (et ça semble se confirmer par ici, mais personne n'est "responsable").
Belle journée.

 
At 9:54 PM, Blogger Bismarck a bien voulu donner son avis...

Béatrice, le fonctionnement de l'être humain est bien compliqué. La sclérose en plaque? pas sympa du tout, ce truc.
Bleck, effectivement, on peut s'inventer des tas d'hisoires, et qualifier la culpabilité de sournoise me paraît approprié.
Dr CaSo, je crains qu'à la place de ta soeur, j'aurais agoni d'injures le petit (ir)responsable. Et j'aurais eu tort, parce que ce genre de responsabilité est effectivement lourd à porter. Rien que d'imaginer ce qui aurait pu arriver à cause de cette banale maladie infantile m'a mise mal à l'aise pendant quelques jours (sournoise, on a dit, la culpabilité).
Mme Chapeau, j'ai failli conclure ce post en disant: "moralité, faites vacciner vos enfants contre les oreillons", ça leur rendra peut-être service à l'âge adulte.
Gilsoub, c'est parce qu'un diagnostic n'est pas toujours évident à poser qu'il faut un (et parfois plusieurs) être(s) humain(s) pour le faire...

 
At 12:51 PM, Blogger Mme Chapeau a bien voulu donner son avis...

Poser un diagnostic, c'est fermé des portes. Quand deux confrères ou consœurs en ont déjà fermé deux, le job a été facilité.

 
At 7:30 PM, Blogger Mme Chapeau a bien voulu donner son avis...

[ cette fois, c'est fermer des portes que j'aurais dû écrire, désolée une fois de plus. ]

 

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