Quel anglais?

(11 octobre 2009)

Le jour de la réunion de rentrée, la maîtresse n'en a pas parlé. Pourtant, en feuilletant le livret des programmes qu'elle nous a donné, j'ai bien vu que l'initiation à UNE LANGUE ETRANGERE devait commencer dès le CP, maintenant. Et, quand je me suis penchée sur les cours en ligne déposés sur le site académique pour les cas de pandémie, j'ai constaté que le programme n'était pas peu chargé. Donc, j'ai posé la question à la maîtresse. Je lui ai bien parlé de "langue étrangère". Elle m'a naturellement répondu "anglais".
Ca m'énerve.
Pas seulement parce que je suis porf d'allemand (oui Laeti, je pense à ton tag, aussi). Parce que, tout simplement, j'en ai assez de ce diktat de l'anglais. Enfin, il faut voir de quel anglais. Car il s'agit ici évidemment de la langue internationale de communication, pas de celle de Shakespeare ou de Keats, Steinbeck et autres Dickens... On veut apprendre à nos enfants un idiome qui leur servira plus tard. Mais bien sûr, sans s'en donner les moyens. Car enfin, si la maîtresse n'a pas parlé de l'anglais, c'est parce qu'elle-même n'a pas l'habilitation pour l'enseigner, et que l'intervenante extérieure qui venait les années précédentes n'a pas été (pour l'instant) reconduite, faute de financement. Entre ne rien apprendre du tout et mal apprendre avec une personne non qualifiée, je crois qu'il est préférable que le Pirate et ses copains continuent à ignorer l'anglais.
Le seul avantage de l'apprentissage précoce de cette langue, c'est l'habitude qui serait alors prise de la prononcer correctement. Car l'anglais est, de toutes les langues d'Europe, celle dont les sons sont les plus différents du français. Mais il me semble que pour le reste, et surtout pour ce qu'on veut en faire (un outil de communication), il est bien suffisant de commencer en sixième.
Dans mes rêves les plus fous, les petits élèves commenceraient effectivement à apprendre une langue en primaire. Mais à partir du CE1, voire du CE2 seulement. En CP, ils ont bien assez à faire pour apprendre à lire et à écrire leur propre langue. Laissons-les se concentrer sur les sons du français. Et proposons leur ensuite une langue vivante. Mais pas l'anglais. Tout, sauf l'anglais, pour sortir enfin de l'imbécile schéma anglais-espagnol. Oui, ce schéma est imbécile. N'est-il pas scandaleux que, dans le Nord de la France, là où les villes s'appellent Dunkerque ou Hazebrouk, alors que, dans des endroits comme Godeswarveld, il y a encore des plaques de rue bilingues, il soit aujourd'hui impossible d'apprendre le flamand? Et Cécile me faisait remarquer, dans le même genre, qu'il est fort compliqué d'apprendre l'espagnol en première langue dans le Sud-Ouest. Vue la place réservée ici à l'italien, cela ne m'étonne guère... Donc, apprenons à nos enfants une première langue qui ait du sens pour leur région (les Alsaciens et les Bretons le font bien!), avec leur histoire (le portugais, après tout, est aujourd'hui surtout la langue du Brésil, et l'arabe n'est pas non plus négligeable au plan international), ou, si l'on y tient vraiment, pour l'économie. Qu'on leur enseigne le chinois. C'est aussi une langue difficile à prononcer, à cause de sons particuliers (d'où les hésitations de transcription entre "Beijing" et "Pékin") et du système tonal. Une même syllabe (pour nous) peut se prononcer sur quatre tons différents, et signifier ainsi quatre choses différentes. Ce serait un excellent entraînement pour les jeunes oreilles, et les enfants arriveraient bien plus facilement à prononcer le chinois s'ils commençaient à l'apprendre à 8 ans plutôt qu'à 12.
L'anglais viendrait ensuite, en sixième. Je propose d'ailleurs de mettre la première langue entre parenthèses pendant cette année, afin de ne pas surcharger les élèves. En cinquième, ils apprendraient deux langues vivantes. Ainsi, ceux qui s'arrêteraient au brevet (mais y en a-t-il encore?) auraient tout de même quatre ans d'anglais derrière eux, et maîtriseraient en outre une autre langue à peu près correctement. Quant aux bacheliers, on pourrait raisonnablement espérer en faire des adultes trilingues.
Mais bien sûr, cela demande des moyens. L'introduction de la deuxième langue dès la cinquième est en projet depuis une dizaine d'années. Ce projet allant à l'encontre de la réduction des effectifs dans l'enseignement, il n'aboutit pas. De même, la généralisation de l'enseignement d'une langue vivante en primaire ne peut se faire dans de bonnes conditions. Les professeurs des écoles ne sont pas tous formés. Ceux qui passent une habilitation le font parfois, heureusement, dans des langues comme l'italien et l'espagnol, qui sont extrêmement rarement enseignées en collège dès la sixième: inutile donc de mettre ces habilités à l'ouvrage, puisque leurs élèves seront condamnés à l'anglais par la suite. Reste l'anglais. Que personne ne parle correctement, sauf les assistants et autres locuteurs natifs recrutés de manière contractuelle jusqu'ici, et pour lesquels le budget est désormais trop maigre. Comme d'habitude, les Ministres lancent des idées en l'air pour faire plaisir aux parents, et rien ne se fait. La France n'a pas les moyens de ses ambitions.

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8 Commentaires:

At 8:49 PM, Blogger Moukmouk a bien voulu donner son avis...

La question de l'anglais est très férocement débattue au Québec pour des raisons plus qu'évidentes. il y a eu des tas de thèses et d'études sur le sujet et puis on s'est aperçu que la seule façon vraiment efficace d'enseigner l'anglais c'est que durant la dernière année du primaire, tous les cours ( sauf français évidemment) sont donnés en anglais et que les élèves parlent anglais entre eux durant les cours. Ça ne sert à rien de commencer tôt d'ajouter des heures, il faut une immersion très intense. Là où cette méthode est appliquée le taux de bilinguisme fonctionnel est élevé alors qu'ailleurs, ça demeure médiocre.

Il faudrait faire la même chose avec l'espagnol, l'allemand etc.

 
At 8:59 AM, Blogger Bismarck a bien voulu donner son avis...

C'est vrai qu'une étude allemande, comparant les performances d'élèves de sixième en anglais, a montré qu'il n'y avait pratiquement aucune différence, en fin d'année, entre ceux qui avaient reçu un enseignement en primaire et ceux qui n'en avaient pas bénéficé.
En Alsace et en Bretagne, les écoles ou classes "bilingues" (allemand d'un côté, breton de l'autre) ont un certain succès dès la maternelle. Parce que rien ne vaut l'immersion totale.

 
At 5:58 AM, Blogger Nanouk a bien voulu donner son avis...

Oui vu ce que vaut en général l'enseignement des langues au primaire en France, autant ne rien faire...
Et il est certain que l'immersion totale est la meilleure façon d'apprendre une langue, surtout quand on est jeune.

 
At 8:54 AM, Blogger Bellzouzou a bien voulu donner son avis...

je me réjouissais que mon aîné ait pu commencer à apprendre l'allemand dès le CE2, et le continuer en classe "langues" en parallèle avec l'anglais en 6è. Hélas, 2 ans plus tard seulement et dans la même école, sa soeur cadette n'avait déjà plus le choix: c'était anglais pour tout le monde, parce qu'"il n'y avait pas assez de volontaires pour l'allemand" (alors même qu'aucun sondage n'avait été fait...)

 
At 8:29 PM, Blogger Bismarck a bien voulu donner son avis...

On ne cherche ni les profs volontaires pour enseigner en primaire, ni les élèves. C'est tellement plus simple quand tout le monde fait la même chose! (Sans compter que ça coûte moins cher: il suffit d'un seul intervenant!)

 
At 10:23 PM, Blogger Laeti a bien voulu donner son avis...

Je connais un estaminet sympa à Godewarsvelde, et même sans parler flamand j'y commande un potchveelsch-frites aisément !!!

Sinon, je suis d'accord avec tes propos ;-)

 
At 4:31 PM, Blogger Bismarck a bien voulu donner son avis...

Mais je suppose que c'est dans cet estaminet que m'avaient emmenée des collègues, il y a quelques années. C'est comme ça que je connais le nom du "champ de guerre de Dieu" (et moi non plus, je ne parle pas flamand)...

 
At 9:09 AM, Blogger LiliLajeunebergere a bien voulu donner son avis...

Lors de mon année de stage, j'ai été obligée de donner des cours d'anglais, sans que mon niveau ne soit vérifié!
J'ai passé l'habilitation d'allemand, mais il y a eu une erreur, officiellement, j'ai eu pendant 2 ans l'habilitation d'espagnol - dont je ne parle pas un mot!
Voilà pour l'anecdote, pour le reste, je suis d'accord avec toi, à 100%

 

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