Quand le téléphone sonne
(4 septembre)
Quand le téléphone sonne en mon absence, personne ne répond. Les enfants, quand ils sont là, n'osent pas décrocher le combiné.
Le P'tit Mousse a eu beaucoup de mal à contacter son lieu de stage, avant de s'y rendre, l'an dernier. Et une fois sur place, il a été peu bavard. En classe, ses professeurs le trouvent souvent isolé.
Pour Numérobis, l'entrée en seconde, dans une classe où il n'avait aucun ami proche, a été un véritable drame. Il déteste les transports en commun, qui sont plein d'inconnus. Et, même si cela s'améliore, je l'ai senti sur le point de renoncer plusieurs fois, lorsque nous avons fait la queue pour renouveler sa carte de bus (Mais je n'ai pas de photo? Mais je n'ai pas de pièce d'identité?) il y a quelques jours. Oui, je l'accompagne encore, parce que je ne suis pas certaine que, seul, il y serait allé. La prise de parole est une chose difficile pour lui aussi.
Dans son rapport / mémoire de M2, le Pirate a mentionné ses difficultés avec les interactions sociales. Nous en avons discuté, à table, avec ses cadets, et j'ai dit que je n'étais pas très douée là-dedans non plus, que c'était plus le domaine de leur père. Etonnement de Numérobis: "Mais tu es prof?"
Oui, je suis prof, et j'ai plein d'élèves en face de moi. Ce qui est parfois un vrai problème. Je me rends compte que je ne parviens pas toujours à établir un contact visuel. Quand on corrige un exercice, il peut m'arriver de rester le nez collé dans mon livre, au lieu de regarder l'élève que je viens d'interroger. Plus ils et elles sont nombreux dans la classe, pire c'est.
Alors je ne sais pas trop ce qui m'a pris de répondre oui, l'autre soir.
J'étais en train de préparer à manger, la radio a annoncé le sujet de l'émission inter-active du soir, une annonce gouvernementale dont j'avais justement discuté avec mes deux cadets avant de ramener Numéobis à la sous-préfecture. J'ai saisi mon portable pour envoyer un message Ouatsape au 524 7000 (avec quelques chiffres devant en plus, mais je connais ce numéro depuis mon enfance), et j'ai mis mon plat au four.
Quelques minutes plus tard, mon téléphone a sonné, affichant un numéro privé.
A priori donc, ce n'était pas Clara Vivaldi (son numéro commence par 01); mais je supposais tout de même un importun que je n'aurais pas de mal à moucher.
Que neni, bien sûr, vous l'avez compris, c'était un standardiste de l'émission qui me rappelait, parce que mon témoignage les intéressait, et est-ce que j'étais d'accord pour passer à l'antenne?
Heu... L'hésitation était réelle, mon petit coeur commençait déjà à s'emballer, mais j'ai répondu oui quand même. Alors Pierre (?) m'a dit qu'il allait me passer un technicien, et j'ai entendu un grésillement, et puis la radio dans mon téléphone.
Je crois que j'avais déjà entendu la radio dans mon téléphone, un samedi après-midi, quand j'avais donné la réponse à une devinette, il y a longtemps.
Bref, mon coeur commençait à battre la chamade, je me suis dit qu'il fallait que j'éteigne mon radio-réveil pour éviter l'effet d'écho, et j'ai suivi autant que possible le débat. Le technicien m'a demandé si j'entendais bien la radio, si j'étais sur un fixe ou un portable, si j'avais bien éteint mon poste, et m'a recommandé de bien garder mon téléphone à l'oreille et de ne pas mettre le haut-parleur (il y a toujours des gens qui attendent en mettant le haut-parleur, il se passe quelques secondes avant qu'ils ne reprennent leur téléphone quand c'est leur tour, et on entend la radio en écho derrière).
Je ne sais pas combien de mois d'espérance de vie j'ai perdu dans cette affaire, mais mon taux de cortisol ne cessait de grimper, et quand j'ai entendu Fabienne S. dire qu'elle allait repasser au standard, je me suis demandé si j'allais réussir à parler. J'ai causé dans le poste, et l'animatrice m'a relancée (ah non, pitié, quelle torture!); j'ai eu l'impression de bafouiller dans ma réponse, et j'ai été bien contente quand le technicien, au bout de quelques minutes, m'a remerciée et dit que je pouvais raccrocher.
Manger a été un peu diffcile, tant je tremblais, après cette minute de gloire (inter)nationale. J'ai été chercher le son de l'émission sur la toile, et je me suis rassurée: mon trac est peu audible. En fait, je me rends compte que beaucoup d'auditeur·rices qui passent doivent être aussi ému·es que moi, ils et elles ont les mêmes hésitations dans leurs phrases. Alors qu'il s'agit juste d'une conversation téléphonique, et que tous les interlocuteur·rices qui m'ont parlé étaient très aimables.
Libellés : enfants, psyché, service public



18 Commentaires:
Un tout grand bravo à vous.
Oh tiens ça me rappelle mon passage aux Grosses têtes, il faudrait que je le diffuse, il y a prescription maintenant. :DD
Notre fils aîné ne se sent bien qu'au milieu d'un groupe alors que son frère préfère et de très loin la tranquillité de sa maison parle très peu, observe beaucoup les "autres" il n'empêche qu'ils ont trouvé la compagne qui colle parfaitement à leur attitude, c'est ainsi.
Voilà bien des années j'ai "parlé dans le poste" comme toi sauf que c'était sur Sud Radio et en plein après-midi c'était sympa... le soir même face à un (sympathique) client, tout à coup il me demande "...heu, je crois que je t'ai entendu c'taprèm' sur Sud Radio, c'était bien toi ??" je suis resté un peu stupéfait...
Surtout ne nous donne pas les références de l'émission où tu as commis un commentaire.
Bleck
Au siècle passé, nous avions des émissions à la radio où il y avait des cadeaux à gagner. Pour éviter que ce soit la même personne qui rafle tous les lots, si on gagnait, on devait rester un mois sans jouer. Ma mère qui aimait gagner participait alors sous une autre identité, un voisin, un membre de la famille... Un lundi, un collègue me dit « hier, je t'ai entendue hier gagner une BD à la radio et je ne t'ai pas reconnue. La personne qui parlait dans le poste n'avait aucun humour. J'ai dû alors dire à ce collègue que ce n'était pas moi, mais ma mère.
Il te reste à passer le test "Brigitte Lahaie" ...
Brigitte ??
Bravo! J'ai participé à deux concours à la radio et ça m'a suffit, haha, je comprends très bien ton trac! J'aime aussi me taire et observer les gens, et qu'on me fiche la paix, mais une fois devant un groupe de personnes à qui je veux dire quelque chose, pouf, tout le trac s'envole et je peux causer pendant des heures sans problèmes! J'ai de la chance, c'est sûr.
Dr CaSo, cette expérience m'a convaincue que je serai totalement incapable de participer à un jeu ou concours radiophonique.
Nina, je ne comprends pas bien cette histoire de test?
Mme Chapeau, votre mère est une tricheuse.
Bleck, je suppose que ta dernière phrase est ironique, il y a suffisamment d'indices dans mon texte pour retrouver l'émission (qu'au moins une de mes collègues écoutait: elle m'a reconnue).
Matoo, aux Grosses Têtes? Comme le Dr CaSo, je crois que je n'aurais pas pu...
@ Bismarck: était, elle est morte depuis longtemps.
J'ai causé dans le poste aussi, un jour, un matin très tôt ;-) C'est une expérience intéressante !
Bravo de l'avoir fait ! (et d'avoir décroché ton tel)
Belle journée.
??
Bleck
C'est une blague . Brigitte Lahaie anime une émission sur la sexualité et des auditeurs commentent leurs ébats :))
Brigitte Lahaie sur Sud Radio !! Je n'écoute pas ses émissions sur la sexualité car à mon âge, je suis revenue de tout :))
Merci pour cette explication, Nina. Le seul individu qui partage mon lit étant un chat castré, je n'aurais pas grand chose à raconter.
Mes excuses, Madame Chapeau.
Béatrice, je me dis qu'il y a des gens qui ne doivent pas décrocher devant ce numéro privé. Il doit y avoir une différence avec les appels masqués, mais je ne la connais pas.
De mon temps Nina, j'écoutais parfois Brigitte Lahaie sur RMC en tout début d'après-midi et je trouve que la Dame est pertinente et connais son sujet.
Bleck
J'ai témoigné sur l'amour (et sous pseudo, lâche que je suis) à la radio il y a quelques années, interviewée par un copain on ne peut plus bienveillant pourtant, et je suis encore mortifiée de la vacuité de ce que j'ai pu dire et de l'horreur (réelle) en entendant le son de ma voix...
Je déteste parler en public lors de ma réunion de début d'année avec les parents, alors que je fais du théâtre pour mon plus grand bonheur par ailleurs depuis quasi toujours, va comprendre.
Bellzouzou, je dois dire que j'ai eu un peu peur de la manière dont on allait m'apostropher, vu que Ouatsappe connaît aussi mon nom de famille. (Et j'ai tout autant le trac sur scène, je le vois bien quand je danse.)
@ Bismarck: pas de soucis, vous ne pouviez pas savoir et puis, qui sait, elle continue peut-être à tricher lè où elle est.
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